Découvrez ici le texte de mon initiative parlementaire en soutien aux médias régionaux

“La SSR a constitué une coentreprise avec Swisscom et Ringier pour établir une plate-forme publicitaire commune. Cette mesure stratégique a pour but de renforcer la compétitivité des entreprises suisses concernées face à leurs concurrents étrangers, notamment Google et Facebook.

Sur le principe, il n’y a rien à objecter à des stratégies entrepreneuriales de ce type étant donné qu’elles renforcent à moyen et à long terme les entreprises concernées. Dans l’environnement numérique actuel, toujours plus exigeant, les entreprises de médias doivent absolument innover si elles veulent assurer leur prospérité à long terme. Mais les conséquences négatives qu’elles peuvent provoquer pour l’ensemble du paysage médiatique suisse ne doivent pas être sous-estimées. Ainsi, les entreprises de médias qui ne sont pas associées à la coentreprise craignent que la diversité des médias soit menacée. Car l’utilisation des données relatives aux clients de Swisscom constituerait une menace directe pour les recettes publicitaires des journaux régionaux. En effet, ce ne seraient pas tellement les entreprises mondiales surpuissantes que sont Google et Facebook qui seraient concurrencées, mais surtout les médias privés, notamment les journaux régionaux, qui sont indispensables au bon fonctionnement de notre démocratie, et qui devraient payer les pots cassés. Le gâteau publicitaire toujours plus petit diminuerait encore, et les recettes publicitaires des journaux régionaux continueraient de reculer. Le fait que les quelque 300 collaborateurs travailleront de façon décentralisée sur les sites de Zurich, de Berne, de Lausanne, de Genève et de Lugano, témoigne très clairement du caractère régional de la concurrence qu’ils représenteront.

Il est aussi à noter que la dynamique d’innovation dans ces médias s’en trouverait freinée. Qui plus est, on ne sait pas quelles sont les véritables intentions des partenaires de la coentreprise. La personne qui a été choisie pour diriger cette dernière, à savoir Martin Schneider, a en effet indiqué récemment dans une interview publiée sur le portail en ligne de l’économie suisse de la communication (persoenlich.com) que la publicité télévisée destinée à des groupes cibles spécifiques ne constituera que l’un des nombreux produits proposés par la coentreprise, et que celle-ci développera progressivement sa gamme de produits et de services, mais aussi sa logistique des médias, au cours des mois et des années à venir, et qu’elle gagnera ainsi de nouveaux clients.

Dans ces conditions, il est indispensable de mener une discussion démocratique sur cette modification fondamentale du paysage médiatique, qui revient à une révolution copernicienne. Et, eu égard aux décisions politiques difficiles que va devoir prendre le peuple suisse (initiative populaire “en faveur du service public” et initiative pour la suppression des redevances Billag), il est absolument capital sur le plan politique, notamment pour la SSR et Swisscom, de définir des conditions générales fiables pour garantir l’établissement de coopérations non discriminatoires. Le financement de la SSR par le produit des redevances, qui doit rester l’élément principal, implique un devoir de respect à l’égard des médias privés, et notamment des journaux régionaux. Ce principe est d’ailleurs inscrit dans la Constitution fédérale.

La SSR doit pouvoir et peut établir des coopérations avec des entreprises de médias privées si ces coopérations concourent à la diversité des médias et de l’offre. Cela veut dire que toutes les entreprises de médias intéressées doivent pouvoir y participer aux mêmes conditions et sans subir de discriminations. Concrètement, cela signifie qu’il faut trouver une forme d’organisation adéquate (par ex. la société coopérative ou l’association). La participation des autres entreprises de médias suisses uniquement dans le cadre de relations avec les clients, contre une commission de courtage, est contraire à l’idée d’une participation sans discrimination de ces entreprises. Celles-ci ne peuvent en effet pas se permettre d’abandonner des marges à la SSR, à Swisscom et à Ringier.

Il va de soi que la coentreprise constituée par la SSR, Swisscom et Ringier doit tomber dans le champ d’application du présent article. C’est pourquoi il est important que la mise en oeuvre de la coentreprise n’intervienne qu’une fois que les conditions générales inscrites dans le présent article auront été remplies.”

Vous trouvez ici également mon intervention (en allemand) liée au sujet, concernant le rôle du service public dans les médias, lors de la dernière session d’automne:

L’intervention en vidéo